Devant une certaine montée de l'eau en période de vaisselle dans le fond de l'évier et finalement confrontés, suite à une séance d'égouttage de riz funeste, à une totale absence d'évacuation des liquides, nous dûmes nous résoudre à accepter l'inacceptable : l'évier était bouché.
Après maints gémissements et vitupèrations qui n'eurent, hélas ! aucun effet sur l'écoulement des fluides amidonnés par l'eau du riz, après versement circonspect de diverses substances dont l'action néfaste sur l'environnement et les fosses nasales tant que septiques n'est probablement plus à démontrer, et constat amer de l'inopérance de la chose, nous nous résolûmes, la mort dans l'âme et la clé à molette en main, à démonter le siphon, fond, fond.
Las ! Qui eût pu croire qu'en trois ans de vie paisible autant que commune, deux simples êtres humains somme toute plutôt banals seraient capables d'accumuler en un lieu aussi insignifiant qu'un misérable siphon tant de choses improbables -et nauséabondes, pour le moins !
Ainsi après récupération d'un cure dent, d'un cafard mort (probablement etranglé mais l'autopsie nous le dira) et d'une boucle d'oreille en or dont nous nions tous deux la possession (un mystère de plus), nous vîmes-nous confrontés à la masse indéfinie de matières putrides recouvrant les parois du siphon et dissimulant habilement à notre vue un magnifique bouchon de graisse parfaitement cylindrique auquel nous n'eûmes pas tort, je pense, d'imputer l'occlusion de notre pauvre évier qui n'en demandait pas tant.
La deuxième surprise fut de constater avec un brin de terrreur teintée d'emerveilement la contenance pour le moins insoupçonnée du petit placard judicieusement placé sous l'évier par un architecte taquin, placard dans lequel s'entassaient divers objets accumulés au cours des ces trois ans de vie paisible autant que commune et dont le rangement était pourtant planifié incessament en ces termes :
-Pff faut vaiment qu'on range ce placard
-Ouais c'est clair
-Oh, regarde, une retrospective Joe Dassin à la télé
-(ensemble) : Siiiii tu t'apeeeeelles Mélancoliiiiiiie...
Ainsi confrontés de manière imperative et inattendue au vidage de ce placard nous rendîmes nous compte que son contenu remplissait allègrement tout l'espace au sol de notre cuisine (mais il est vrai qu'elle n'est pas grande), et le regardâmes-nous enfin avec le respect dû aux objets plus grands à l'intérieur qu'à l'extérieur, sorcellerie !
Voilà comment, grâce à l'évier bouché, nous pûmes découvrir une porte dimensionnelle dans le placard.
Merci, bonsoir.